Trois petits points

Moi, face à eux. Trois petits points.
Eux par moi, mais pas pour eux.Trois petits points.
ça donne quoi? Des tours. Des trous. J'en tords mes orteils. Le reste, reste intact. à peine rétracté, déjà rouvert par le dos. Trois points d'interrogation.
Le dos moins nuisible, puisque moins visible. Qui surprend à peine, mais qui tient la route lui. Au moins ça de pris. Le reste, reste à compter quand c'est le moment. Trois petits points.
Elles montent depuis le point qui les a fait naître, jusqu'au coin de ceux qui voient. Elles circulent par le réseau qui résout leur existence de points en points. Traçant leur voix, celle qui les voit crier et briller de perles. Trois petits points.
Eux, ils les ont portées. Trois petits points.
Ensemble, à quatre mains étanches. Trois points de suspension.
Suspendues maintenant au bord du vide. Soutenues d'éphémère. Elles n'attendent pas. Rien ne les tente. Trois petits points.
En équilibre sur leur poids. Celui qu'elles ont attrapé sans volonté. Elles ne sont pas là pour ça. Trois petits points.
Je les pousse. Elles roulent, déboulent, circulent. Explorant les pores, explosant. Trois points d'interrogation.
Petites explosions sans dommage. Laissons les là, elle vont sécher. Trois points d'exclamation.
Changement de décor. Trois petits points.
Je saute dessus. Un pas pour chaque. ça occupe. Eux occupés à regarder, moi à y penser. Trois petits points.
Je les traverse. Bon, finalement j'en reviens à elles. En même temps elles sont là, sous mes points. Trois petits points.
De l'autre côté. Celui que je viens de quitter, guidée par une pulsion de prendre tout ce que je peux à mon cou. Trois petits points.
De l'autre côté, fallait pas se retourner. Trois petits points.
Un sous verre, à conserver. Trois petits points.
J'attends pas, je pense pas, je regarde. Trois petits points.
Un peu humides ceux là. Le reflet, il est vivant lui. Derrière lui, plein de revers. Vu d'ici, après là-bas, les choses avaient l'air plus près l'une à l'autre. Plus proches, plus camouflées d'elles mêmes. Toutes une part sans être les mêmes. Ni les miennes. On me l'avait dit. Trois petits points.
Elles s'éloignent, se débattent ces choses. Silencieusement, sans se voir, ces choses se séparent d'une ressemblance d'elles mêmes. Trois petits points.
L'image est saccagée, figée. J'attends pas la suite. Trois petits points.
J'attends pas, je pense pas, je cherche. Trois points d'interrogation.
Avant le verre, ou le recul. Du verre et du recul, lequel a semé l'autre. Lequel a perdu l'image que j'avais sous l'esprit pour placer ce sous verre sous mes yeux. Trois points d'interrogation.
Je cherche pas, je regarde pas, j'attends pas, je pense pas, je me noie. Trois petits points.
Je me noie dans moi. Dans eux face à moi. Je me noie dans moi face à eux. Dans eux par moi mais pas pour eux. Trois points de suffocation.
Le reflet m'attrape par les yeux. Trois points d'exclamation.
Il est vivant. Toujours là. Il a fait estompé l'autre saccagée, mais n'oublions pas sa transparence. Trois petits points.
Il ouvre un nouveau décor. Je suis du bon coté. Trois petits points.
Quelque chose de plus. Ou juste pas pareil. Avec plus de plus que de moins, néanmoins je peux pas en dire plus pour l'instant. Trois points d'interrogation.









Une fille sans eau

Au coin d'un bar sans nom, tout au fond là-bas, que l'on ne voit pas. Elle est assise à une table, un verre vide devant elle. Elle se marmonne à elle même:

" être une fille sans eau, c'est être une fille sèche.
Rien qui dégouline, rien qui transpire, rien qui transparait.
Pas même un petit filet humide auquel se raccrocher.
Une terre aride, qui n'accueille rien, rien du tout.

être une fille sans eau, c'est être une fille vide.
Sans réseau pour la nourrir, pour la conduire cette liquidité.
Sans caverne à remplir pour y résonner.
Pas même un petit creu, un recoin caché. Pas d'surprise.
Un tuyau lisse et fin, ne reflétant rien, dont on connait le début et la fin.
Voila c'que c'est, une fille sans eau.

être une fille sans eau, c'est être une fille sans mot.
Rien qui aide à avaler, rien qui les fait entrer.
Ils restent à la porte. Coincés. Et ils retombent au sol, perdus pour toujours.

Et être une fille sans mots, c'est être un fille seule.
Rien qui lui donne une courbe à cette obsession.
Si y'a rien qui entre, y'a rien qui sort.
Rien à cracher sur les autres. Pas un seul morceau de soi à partager.
Une bouche fermée asséchée. La voila la sortie d'une fille sans eau.

Une fille sans eau. Rendez moi mes mots.
Donnez moi d'l'eau. Faut qu'je parle!
Donnez moi d'l'eau! Faut qu'je sorte de moi! "

chrysalide



Bloody Mary