Sophie batifole avec un accordéon

Voici une nouvelle version de ce texte.
Je l'ai retouché et illustré pour un article dans un future web magazine,
je vous tiens au courant!



Sophie batifole avec un accordéon

Dans le quartier Chatelain, tout près de la grande église.
Une rue pavée, briquée, presque peuplée.
Comme un lundi matin quoi.
Les âmes qui s'y promènent ont du temps sans vraiment en vouloir.
Celui d'un trajet, d'un point à un autre pas qui les mènera là.
Mais qui sourit pas ce trajet. Dans l'attente.

Y'a des vitrines, des portes, des fenêtres,
des poteaux, des lampadaires éteints, et au coin,
y'a Sophie.

Sophie, elle est pas grande, elle est pas petite.
Elle est plus ou moins au milieu, entre deux.
Sophie, elle a le visage rond et doux et les cheveux un peu fous.

Sophie, elle se balance.
Sophie, elle batifole avec un accordéon.
Elle sourit, elle rougit. Elle le porte.
L'accordéon batifole avec Sophie. Il la pousse, l'emporte.
Il est très exigeant avec elle.
Ils se cherchent, se connaissent.
Se retrouvent chaque jour comme d'eux inconnus
qui se saluent, puis s'aiment sans vraiment s'en rendre compte.

Ensemble, ils composent un être étrange.
Tout chancelant, plein.
Qui crie, qui sautille.
Porté par un déséquilibre.

Un combat s'engage.
Une danse rythmée de sursauts en sursauts.
Sophie lutte pour le posséder.

Ils tournent, s'arrêtent, reprennent,
tombent, remontent. L'accordéon possède Sophie.

Elle le tient plus près.
Il lui prend ses pieds.
Ses yeux ne voient que lui.
Son souffle n'est que pour elle.

Ensemble, ils ne se rendent pas compte du spectacle qu'ils offrent.
Des regards effrayés qui assistent à leur ronde.
Ces regards qui ne se détachent pas, qui suivent Sophie.
Elle les divise, les détachent de leurs peurs glacées.
Elle les pousse même jusqu'à la fascination.

La danse s'emporte plus encore.
Elle s'emplie d'une frénésie toute morcelée.
Sophie et son accordéon mènent la cadence
sans savoir qui appuie, qui souffle, qui joue, qui vit.

L'implosion a lieu. Elle éclate.

La ronde se jette, s'emparant des restes de raisons débordées.
Les regards sont pris, les bras aussi.
Tous entiers, ils appartiennent à Sophie.
Les pieds ne touchent plus le sol que pour ne pas sombrer.
Pour n'être que sur ce que foule Sophie.
Sophie toute entière appartient à l'accordéon.

Il est vainqueur.
Voleur d'un moment.
Arracheur de ces âmes et de ces corps.

La rue pavée, briquée est peuplée d'hystérie.
Une chorégraphie déambule le long de ses vitrines,
pénétrant les portes, s'insinuant à travers les fenêtres,
entourant les poteaux, contournant les lampadaires éteints.
Jusqu'au bout de leur souffle les corps se démembrent.

Puis, petit à petit,
comme s'efface un sourire,
la danse ralentit.
Le froid reprend ses droits.
Peu à peu, la douceur du soulagement s'installe.
les visages se secouent,
laissant tomber les derniers morceaux de frénésie sur le pavé.

La danse s'arrête.
Les regards se croisent,
se voient, se comprennent, puis,
les pas reprennent leurs trajets.
Comme si de rien n'était.

Tout est en ordre, les victimes sont relâchées.
Elles fuient ce lieu d'euphorie, sans un geste pour Sophie.

Sophie, elle chancèle.
Elle secoue la tête, elle revient à elle.
Ils sont de nouveau deux.
Sophie et son accordéon.

La rue pavée, briquée est maintenant dépeuplée.
Y'a les vitrines, les portes, les fenêtres,
les poteaux, les lampadaires éteints.
Et au coin,
y'a Sophie, qui s'en va son accordéon sur le dos.



Et puis ça aussi:
Adieu tristesse, Arthur H


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