la petite Mamie (3)

La suite! Demandez la suite! Comme d'hab je remets le début! Bonne lecture.


         "Une petite femme. Une petite mamie, pas trop vieille. Avec son petit chignon gris et ses petites robes en laine tissées de scènes colorées. Dessus, on peut assister à une montée aux pâturages, à une nature morte, à un envol d’hirondelles. Cette petite mamie elle crée ses décors et s’habille avec.
       Elle habite avec sa famille, toute sa famille. Il y a son mari, un papi tout mince et tout sérieux. Un genre d’ascète qui ne donne et ne prend que ce qu’il faut, jamais plus. Il sourit et se fâche juste assez, jamais plus.
    Il y a leur fils. D’une trentaine déjà bien dégarnie. La vie s’occupe tout le temps de lui, et souvent, il en oublie de s’occuper du reste.
    Il y a sa femme, un soleil aux cheveux d’or, qui sourit, comprend et aime. Elle saupoudre sa lumière d’un humour ravageur.
        Et il y a les trois enfants. Une grande Sophie, un moyen Arnold et un petit Rufus. Eux, ils n’ont rien d’autre à faire que d’être des enfants. Ils s’émerveillent, jouent, se chamaillent et aiment tous les adultes qui les entourent.
       Trois filles, quatre garçons, une famille, dans une grande maison. A trois étages, un pour chaque génération.
    Au rez-de chaussée, il y a papi et mamie qui m’aiment plus les escaliers. Au dessus d’eux, les parents qui les aiment de moins en moins. Et au deuxième étages, les enfants qui les transforment chaque jour. En tapis rouge de star, en passerelle dangereuse, en nuages qui emmènent vers le ciel…
    Trente-deux escaliers, trois salles de bains, trois wc et deux cuisines. Deux cuisines, bien différentes...
   
         La première est toujours propre. Chaque chose y est à sa place. Quelle que soit l’heure de la journée, elle pourrait être prise pour une cuisine d’exposition comme celle que l’on trouve dans les grands magasins. Même le vent d’un repas ne soulève pas une petite nuée de désordre. Dans les placards aussi, tout est à sa place. On n'y retrouve que le nécessaire, jamais trop. Un corps a-t-il besoin de sucreries, de gâteaux ou de chocolat ? Non ! C’est du superflu ! Et on ne peut en trouver dans cette cuisine là. Certainement pas !
      Cette cuisine là, elle a un roi. Ce roi, c’est Papi, qui par sa sagesse sauve leurs deux corps, à Mamie et lui, du danger des produits toxiques. Ce roi, il préserve leur équilibre et leur longévité. Et si la reine s’en plaint parfois, c’est qu’elle ne voit pas à quel point ces mesures lui seront bénéfiques, plus tard. C’est qu’il est important de ne pas se laisser prendre par les faiblesses des plaisirs éphémères.
     La deuxième cuisine est un peu comme un chantier. On y trouve toujours les indices d’une recette en construction ou de ses vestiges passés. Les papilles peuvent se rappeler des saveurs vécues ou anticiper les futures en fouillant le plan de travail qui, çà et là, révèle ses merveilles. Les placards de cette cuisine là regorgent de trésors. Ils sont pleins de surprises et de sourires. De couleurs, de boîtes et de matières. On en pousse à l’entrée pour en découvrir toujours plus cachés derrière.
       La reine de cette cuisine là est une magicienne. Elle prépare les repas comme on fabriquerait une potion magique. La reine, c’est Maman. Elle saupoudre, teste, elle exagère et mesure. Au début de chaque repas, elle attend malicieusement, les yeux plissés, le coin des lèvres retroussé, la réaction de ses cobayes. Son mari et ses enfants lui répondent chacun à leur manière. La plupart du temps, c’est l’étonnement, la surprise, la joie qui creusent leurs visages et ferment leurs yeux pendant qu’ils mâchent, dégustent ou goûtent. Mais parfois, la reine a tellement exagéré, ou tellement  peu saupoudré que leurs traits se plissent d’écoeurement. Ceux de Sophie, restants toujours polis.

     Il y a très peu de communication entre ces deux cuisines, et chacune respecte son maître. Il reigne même un esprit fairplay entre le Papi et sa bru. L’un ne juge pas l’autre, ils se vouent respect et compréhension mutuels.
     La seule qui trouble cet ordre, cet accord tacite, c’est la petite mamie. Elle, se sent trompée, injustement punie par la rigueur de son roi. Elle mène en secret une résistance dont, seuls les enfants, ont détecté les traces…

     C'est le petit Rufus qui, le premier, a remarqué quelque chose. Et c'est là que commence l'histoire…

     Ce matin là, les yeux tous collants de fatigue, le petit Rufus était le dernier à rejoindre la table du petit-déjeuner. Après les doux bisous de Maman, les tendres caresses de la grande Sophie, le "Bonjour p'tit gars!" de Papa et le "Rufus est une marmotte!" chantonné par le moyen Arnold, il nia les pots de confiture et de miel pour se diriger vers le placard. Il savait exactement ce qu'il voulait, la seule chose qui valait vraiment la peine d'ouvrir les yeux pour de bon: Le pot de pâte à tartiner au chocolat! Il le ramena en vainqueur sur la table, s'installa et l'ouvrit. Là, le choc lui laissa la bouche ouverte d'étonnement.
- Qu'est ce qui se passe Rufus? Demanda maman.
Il regarda son sourire rayonnant, attrapa son couteau pour commencer à tartiner sa tranche de pain.
- Non… Rien.
- Bien, alors dépêche toi tu vas être en retard pour partir à l'école.
- Oui oui.
Mais le petit Rufus l'avait bien vue, la grosse trace de doigt qui avait emporté une grosse noix de pâte à tartiner au chocolat. Elle avait creusé un sillage, une vallée profonde, pire: un canyon!
     Il savait que personne ici n'avait pu faire une chose pareille. Il les regarda tous, un à un. Papa lisait son journal en cherchant sa tasse de café à tâtons sur la table. Maman gardait un œil sur chacun, elle prit la main de papa et la guida jusqu'à sa tasse. La grande Sophie trempait ses tartines de miel dans son chocolat chaud. La moyen Arnold entassait pain, miel, confiture, pain, miel, confiture avant de tout engloutir bruyamment.
      Dans cette cuisine, on pouvait aimer les aliments, on pouvait les goûter et en abuser parfois, mais jamais, non jamais, se servir de cette manière anarchique! D'autant plus que la veille il avait succombé à la pâte à tartiner au chocolat pour le 4h, et le pot était intact quand il l'avait rangé. Il savait que personne après ne l'avait ressorti. Aucun des quatres qui prenaient leurs petit-déjeuners dans l'insouciance totale. Non, il y avait quelqu'un d'autre qui, dans le secret de la nuit, était venu jusqu'au placard pour arracher une noix de pâte à tartiner dans un geste désespéré. Et le petit Rufus avait sa petite idée…

     Le soir, en rentrant de l'école, il convoqua la grande Sophie et le moyen Arnold pour une réunion de crise dans sa chambre.
- C'est Mamie! qu'il leur dit après leur avoir tout raconté. C'est Mamie, j'en suis sûr!
Sophie mit son index sous sa lèvre et son pouce sur son menton, elle plissa les yeux d'un air pensif.
- Mmmh, c'est tout à fait plausible.
- C'est quoi plausible? Demanda le moyen Arnold.
- Ça veut dire "possible". Répondit le petit Rufus.
- Alors pourquoi tu dis pas "possible"?
- Oui, Mamie est très gourmande. La grande Sophie, elle ne lâchait pas ses réflexions, elle faisait des aller-retours dans la chambre. On savait qu'elle planquait des gâteaux dans sa boîte à culottes, mais Papi lui avait confisqué.
- Ha ha oui! Je me souviens! Il l'avait surprise la tête dans l'armoire en train de mâcher quelque chose! Elle avait mis pleins de miettes dans ses culottes! Ha ha ha! Le moyen Arnold se roulait sur le lit en se tenant le ventre.
Le petit Rufus et la grande Sophie se regardèrent, visiblement, leur frère ne se rendait pas compte que la situation était critique.
- Bon, il faut agir! Nous allons prendre des mesures draconiennes!! La grande Sophie tapa du poing sur le bureau.
- C'est quoi "Draconiennes"?
- C'est "radicales".
- Pourquoi tu dis pas "radicales" alors?..."



2 commentaires:

  1. J'ADORE LA PTITE MAMIE, C'EST UNE BELLE HISTOIRE, A QUAND LA SUITE ..........
    TRPO BIEN MA BICHE
    MAMAN

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  2. Merci ma petite maman. Je me doutais que ce serait le genre d'histoire qui pourrait te plaire... Je t'adore!

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