La montagne a un sacré caractère

"Elles nous ont bien eus ces montagnes. On voulait faire les malins mais... On les a cherchées dés le matin, comme prévu. Pour les rencontrer, il fallait traverser un paysage qu'on avait pas encore vu. Du vert! Foisonnant, riche, équilibré. Les premiers petits bouts de montagnes ressemblent à une chevelure d'africaine tressée, moumoutées, boudinées à certains endroits. La route est toute petite au milieu de tout ça. Et beaucoup trop lisse. Après les choses sérieuses commencent. On quitte les petites exploitations, les petits potagers pour les falaises, les horizons coupés par les versants et la brume. Une couche aux premier abord transparente et mignonne, qui cache une densité trouble, dans laquelle on se perd. On a commencé à monté les marches en pierre dans une odeur de vieille mousse moite et verte. Plus de klaxons. De l'eau qui coule, qui descend lentement un peu partout. Qui se rejoint. Plusieurs qui n'est qu'une seule. Une seule symphonie de tous les côtés. Et les singes. Ces boules de poils caméléons, qui nous observent de loin. Encore un échange de regards intrigués. Puis, ils disparaissent. Les arbres s'entortillent, se posent là, s'installent, émergent de partout. On monte péniblement, sans apercevoir le bout des marches pendant des heures. On croise des porteurs qui montent chargés d'au moins une fois leur poids. Ils ont des mollets comme des ballons de rugby. Dans cette montagne, j'ai la sensation d'avoir plus de poids qu'eux. Je pèse plus lourd, trop lourd d'autres choses qu'eux. Elle, la montagne, elle rit. Doucement d'abord. Elle nous laisse entrer en douceur et en émerveillement.
Puis la pluie. Toute fraîche. Qui réveille les feuilles, elles se joignent au concert. Chaque pierre se met à résonner plus fort, chaque court d'eau monte d'un ton. La lumière se baisse un peu plus. Elle effleure juste les gouttes qui se succèdent sur les branches pour éclater partout. La brume s'épaissit. Bientôt seuls les arbres les plus proches émergent dans un contre jour en contre bas. On observe en se retournant. La montée continue sans nous laisser voir autre chose que nos pieds. L'eau coule, s'imprègne partout, il n'y a pas d'échappatoire. Mon corps crie, brûle. Il pleure même. J'ai la sensation de me laver, de me vider de toute la crasse que les disques amers ont dispersé en moi. Le poids de mes jambes s'enracinent de plus en plus dans la pierre des marches, mais ma tête parvient à s'échapper.
Puis vient le moment où on est enfermés. La brume ne nous laisse plus voir au delà des dix marches qui nous surplombent et n'en finissent pas. L'eau nous englobe, s'impose, s'infiltre, nous assomme. Mon corps ple
ure, ma tête subit. Puis s'inquiète. La montagne rit trop fort. Elle explose de gouttes en rire, sans s'arrêter, folle de fous rires. Elle nous disperse, nous perd...
Puis enfin, elle nous accorde le répit. Le sommet qu'on cherchait, les autres du groupe, les couettes froides qui réchauffent quand même, le radiateur qui ne sèche pas nos fringues imbibées. Mais on est bien. Soulagés, légers. Elle nous récompensera surement demain? En attendant je mets de la musique dans mes oreilles pour pas entendre l'odeur de cette chambre pourrie."


"C'est le matin. C'est le soleil. La montagne nous regarde en face et nous sourit. Un sourire doux et rassurant, mais elle sourit à tous. Dans cet endroit suspendu on voudrait le vide, le rien, le face à face, mais il y a trop, il y a trop de plein. Le chant des oiseaux a remplacé la symphonie humide, mais le bruit des touristes chinois en masse recouvre et écrase. Pas moyen de sortir de ces rails encombrés, ils sont entourés de barbelés."


"Le seul petit coin tranquille est accessible en escaladant un tout petit peu. D'ici, on entend encore les rumeurs. Les yeux peuvent se reposer un peu sur cette mer étrange. Courir sur les roches en sautant au dessus des nuages. Visiter les arbres et s'élancer le plus loin possible, là ou plus aucune distinction n'est permise."


"ça y est. J'y suis. Cet endroit que je cherchais. Le tête à tête avec elle. J'ai quitté les rails en escaladant, pour m'installer sur un sommet caché. L'agitation est beaucoup trop loin pour entrer. Il y a mes genoux et après, c'est le vide. Un panorama gigantesque. La montagne m'a accueillie tendrement, dans ce recoin où je suis si petite. Je m'efface. Elle me montre, elle me guide partout où elle existe, dans tout ce qu'elle est. Le soleil est juste au dessus de ma tête, il m'observe. Ils sont complices. Elle me porte par le dos, les coudes, les talons. Brute. Le vent est son messager, il prend ma tête et l'emmène..."





"Un coucher de soleil sur les montagnes, une nuit trop courte dans cet hôtel tout pourri. Je viens de passer un porte, il est 6h du mat'. La montagne, elle construit son royaume en laissant ses forces libres qui n'oseraient jamais être plus imposante qu'elle. Le pins qui grandissent sur ses roches, ses sommets s'élancent à l'horizontale pour ne pas la dépasser. Le vent a la force de déplacer chaque branche, de faire vibrer chaque feuilles, mais pas ses pierres. Son cri peut résonner, se faire écho à lui même mais pas autant que son silence à elle. D'ailleurs là, on n'entend que lui. Les oiseaux aussi ont lancé leur chant, mais il est vite emporté par le vent qui le ballade dans tous les sens."

"La montagne, elle a un gros nez. On est suspendues au dessus des touristes. La montagne, elle nous regarde d'en haut, à travers les feuillages. Elle a un gros calme.
Les porteurs aux mollets comme des ballons de rugby, montent avec des troncs de bambou sur l'épaule, des lits en bois, pliés , des sacs de riz, des fruits... Et parfois des touristes. Quel étrange troupeau.
En bas, c'est la forêt de bambous. Ils sont gigantesques. Un tuyau rythmé qui monte qui monte tout seul jusqu'à une touffe de feuilles. Ils ont l'air innocent. Le reste de la forêt pourrait ressembler à une occidentale, mais eux, il l'habillent en chinoise. Ils le savent mais simplement."



" Ce matin, on assistait à un coucher de soleil encouragé par les appareils photos d'un cinquantaine de chinois. On s'est lancée dans la descente des marches tout de suite après pour les fuir, les éviter et les engueuler parfois. On se sentait plus aventurière qu'eux. Surement parce qu'au lieu d'une casquette, j'ai un pull enroulé sur la tête, des botes à la place des petites baskets, un jean craqué à la place d'un training (Comme disent les belges. Pou les français c'est un jogging.) Surement parce qu'on est monté sous la pluie et qu'eux ont pris le téléférique. Surement parce qu'au lieu de brailler ou d'écouter de la musique sur nos GSM (encore comme disent les belges. Pour les français c'est un portable.), on écoute les bruits de la montagne. Surement parce qu'au lieu d'être en groupe et de suivre un troupeau et un parlophone (ça aussi c'est belge. Pour les français c'est un mégaphone, ou interphone dans un autre contexte.), on cherche à être seuls et au calme, surement parce qu'on a pas pris de douche depuis trois jours, (et même que moi je me suis même pas lavé les dents!), surement parce qu'on vit le moment au lieu de la photgraphier... Surement pour tout ça. Mais au fond, même si on a escaladé les barbelés pour grimper sur des sommets isolés, nous aussi on a payé l'entrée sur le site protégé, nous aussi on a dormi dans un hôtel, pourri et sans douche certes, et nous aussi on a mangé à son restaurant. En rallant sur les prix exorbitant (presque comparable aux prix en Europe, vous imagnez!), certes, mais quand même. Les touristes chinois sont un troupeau qui suit d'autres troupeaux et nous, nous sommes le troupeau isolé.


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